La subtilité
Sainte Hildegarde a écrit un livre qui décrit de nombreuses espèces végétales, animales et minérales.
Ce livre est désigné par « Physica » ou « Livre des Subtilités des Créatures Divines ».
Qu’est ce que la subtilité ?
Le dictionnaire peut en donner plusieurs définitions, comme la finesse d’esprit, l’habileté, le caractère délicat. Une définition retient particulièrement mon attention : caractère de ce qui peut être difficile à comprendre, à saisir, qui exige de la finesse.
En effet, Hildegarde révèle dans le Livre des Oeuvres Divines que « les arbres, les plantes, les animaux et même les pierres précieuses, toute la création, recèlent des forces secrètes qu’aucun homme ne peut connaître à moins que Dieu ne les lui ait révélées ».
Ces forces secrètes, difficiles à saisir, exigeant la finesse d’un esprit disponible à la Sagesse divine et à Son Esprit, évoquent bien la Subtilité des espèces décrites par sainte Hildegarde dans son livre « Physica".
Pour un animal, sainte Hildegarde décrit souvent sa subtilité en rapport avec son tempérament et sa manière de vivre, de se reproduire, et de se nourrir.
Prenons deux exemples :
- le blaireau : « Le blaireau est chaud, il a des moeurs tranquilles, cependant il est un peu méchant, mais non mauvais ; il détient en lui des forces très puissantes, mais il ne fait pas grand cas de cette valeur qu’il a en lui, si ce n’est que, parfois, il la montre brusquement et s’arrête aussitôt : en effet, s’il la montrait sans arrêt, on pourrait la comparer aux forces du lion. Mais il n’a pas envie de montrer ses forces, si ce n’est que, de temps en temps, il les montre, dans la joie et l’exultation… Il a une grande puissance dans sa fourrure. Fais en une ceinture porte-là à même ta peau nue et toute maladie disparaîtra en toi. »
- le cerf : « Le cerf a en lui une chaleur soudaine, mais il se refroidit peu ; il est chaud et tranquille et se nourrit d’herbes pures. Sa chair est bonne à manger… Quand il sent que ses bois ne poussent plus, il comprend alors qu’il commence à se dessécher et à perdre son agilité. Il va alors dans une rivière et respire les vapeurs qui s’en élèvent. Sorti de l’eau, il broute sur les berges des herbes qui lui conviennent…il retourne à la source d’eau vive et boit pour se purger doucement des pourritures qui resteraient en lui. Puis il mange à nouveau des herbes… Si on mange les chairs du cerf, chaudes, mais non brûlantes, on purge et on allège son estomac. Celui qui mange du foie de cerf se protège de la goutte et purge et allège son estomac ».
Par ailleurs, dans le physica, Hildegarde évoque de nombreuses fois l’usage de la graisse de cerf pour la confection de remèdes. Le bois de cerf est aussi évoqué par sainte Hildegarde. On sait que jusqu’au XVIème siècle, le bois de cerf servait de mets au roi, et de condiment en étant moulu.
Selon Hildegarde, voici deux animaux dont la subtilité permet à l’homme de se soigner et de se nourrir.
Il est intéressant de comparer les écrits de sainte Hildegarde avec la symbolique traditionnelle qui parle de la force vitale de ces animaux tout au long des siècles.
-le blaireau
Il est difficile de voir un blaireau. C’est un animal nocturne qui passe le plus grand temps à creuser son terrier. C’est pourquoi on peut entendre l’expression « sauvage comme un blaireau ». Mais la symbolique vitale du blaireau est plus forte. Le blaireau est l’image du dynamisme, de la volonté et de la persévérance. Ces qualités lui confèrent l’image d’une certaine autorité. Ne désigne-t-on pas parfois un chef qui se fait craindre par « blaireau ». Le blaireau est celui qui se bat jusqu’au bout pour obtenir ce qu’il veut. Son dynamisme peut être agressif, surtout s’il est menacé. mais il est orienté de manière constructive vers son objectif.
-le cerf
Depuis les temps anciens, avec ses bois se renouvelant chaque année, le cerf représente la perpétuité, voire la résurrection. Ces bois symbolisent aussi la force physique et procréatrice. Si bien que le cerf est depuis longtemps un symbole de royauté. A la Révolution, lors de l’exhumation des rois de France à Saint-Denis et à Saint-Germain-des-Prés, on retrouva plusieurs d’entre eux, enveloppés dans des peaux de cerf. Le cerf est même comparé au Christ, « Cerf des cerfs » qui meurt et ressuscite.
Dans le psaume 42 et 63, le cerf symbolise l’âme désireuse du face à face avec Dieu. Il est assimilé au baptisé et c’est pourquoi il est maintes fois représenté sur les chapiteaux des églises romanes.
Psaume 42 « Comme un cerf assoiffé recherche les courants et les ruisseaux, mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant; quand irai-je et paraitrai-je devant la face de Dieu ? ». L’image du cerf étanchant sa soif à la fontaine d’eau vive - la source de vie - renouvelant tous les printemps la magnificence de ses bois - fait clairement écho au baptême.
Dans la légende de saint Hubert, le cerf sert même de guide pour la conversion. Le cerf et la biche apparaissent tels des révélateurs des vérités recherchées par l’homme.
Pour entrer dans les secrets de la subtilité des espèces, laissons nous guider par sainte Hildegarde. Elle nous donne de bonnes clés de lecture.
https://www.laurence-mayaud.fr/ Laurence Mayaud
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